Vincent Eckert appareille en beauté

Il assume sa mélancolie océane et son vague à l’âme celtique : le Strasbourgeois Vincent Eckert livre Appareillons, une invitation au voyage portée par un rock qui met cap à l’ouest. Tonique et iodé.

« J’ai le soleil au bout du quai/Et la mer à l’horizon/Du sable sous les pieds/Et déjà le vent de front… »

Dès les premiers mots du pre­mier titre, Appareillons, qui donne son nom à l’album, le ton est donné. Il sera beau­coup question d’ailleurs, de l’appel de la mer et du vertige de l’océan, de marins de terre ou de loups solitaires. De cica­trices intérieures aussi, de bleus à l’âme et du temps qui vous transforme en gargouille ou vous leste au fond d’un étang.
Avant d’être un rocker à la Fender en bandoulière, c’est d’abord aux mots que s’est in­téressé Vincent Eckert. « Ado­lescent, je me projetais assez en poète … », lâche-t-il en ac­compagnant le propos d’un petit sourire d’autodérision.

Trois ans de travail pour un disque de la maturité
On ne s’étonnera donc pas que les 13 titres de ce troisième album apparaissent particu­lièrement écrits. « )’ai toujours eu l’obsession du mot juste, d’un texte qui fasse sens. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles j’ai opté pour le français plutôt que pour l’anglais, même si ma musi­que vient franchement du rock.»
Du rock, sans aucun doute, et plus précisément du rock celti­que dans le sillage duquel il accepte volontiers de figurer. Des Chieftains aux Pogues en passant par U2, le Strasbour­geois a l’inspiration qui tan­gue du côté de l’Irlande. « C’est un pays où je n’ai pas arrêté de retourner régulière­ment. Il y a là-bas une mélan­colie qui me parle mais qui s”accompagne aussi d’une for­me d’énergie et d’émerveille­ment. » Un arrêt, avant de re­prendre, doigt levé et regard habité : « L’émerveillement : c’est important ! C’est ce qui provoque la créativité. Pour moi, une chanson est toujours le résultat d’un émerveillement».
Une faculté à surprendre et enchanter qui l’a mené à ce disque gonflé d’iode et battu par les embruns. Invitation au voyage, Appareillons est un al­bum de la maturité, musicale­ment très abouti, dont il signe tous les textes et toutes les musiques.
« J’ai travaillé dessus durant trois ans», indique-t-il. Les couleurs musicales, de plu­sieurs titres, avec leur tonalité celtique très marquée, doivent beaucoup au Bagad Kiz Ave!, formation strasbourgeoise où cohabitent, dans le droit silla­ge des ensembles tradition­nels bretons, bombardes, cor­nemuses et grosse caisse, de même que le violon de Rym Boos ou encore le biniou d’Hervé Estner.
Il ne s’agit pas de réduire Ap­pareillons à sa seule dimen­sion celtique. Ce troisième al­bum de Vincent Eckert est d’abord et avant tout un dis­que de rock. On en retrouve la pulsion primale, l’énergique brutalité, dans un titre comme Nicoclash qui convoque les belles heures de Noir Désir.

Auteur, compositeur, interprète et guitariste inspiré
Les parties de lead guitar sont pas mal du tout. Et là aussi Vincent Eckert est à la manœuvre. Guitariste autodi­dacte, dans la grande tradition du rock, il s’est formé au fil des groupes avant d’avoir en­vie de mener sa propre carriè­re solo. « Un groupe, c’est tou­jours des compromis, des choses que tu ne maîtrises pas nécessairement. Il y a un mo­ment où tu te décides à porter ton projet artistique tout seul», dit-il. Il suffit de vou­loir appareiller … ■

SERGE HARTMANN